Il est utile d’apprendre à se repérer dans les divers traitements proposés relativement à la dépression : faut-il se traiter ou non ? choisir une approche médicamenteuse ou non ? Pour cela il faut comprendre les pratiques actuelles en matière de traitement de la dépression et l’appréhension culturelle de la dépression.
Beaucoup de personnes concernées par la dépression posent la question suivante : « Est-ce vraiment nécessaire de faire quelque chose ? », sous-entendu : « Que se passe-t-il « si l’on ne fait rien ? Ça peut se remettre tout seul avec le temps, non ? »
A défaut de mise en route d’un traitement, tout est possible. Aussi bien de rester à terre que de se relever, avec ou sans « handicap ».
Suivre un traitement ?
Il arrive après des effondrements dépressifs, que les adaptations nécessaires soient spontanées.
Si la personne se relève, mais conserve une tristesse inappropriée, c’est qu’elle n’a pas eu cette chance. Non traitée, la dépression peut rester latente et s’avérer un frein majeur dans la vie quotidienne, dans la possibilité de bonheur, et de vivre aussi.
Il arrive également que, le refus du réel et la souffrance ne permettent d’autre issue qu’un effondrement chronique.
Dans les deux derniers cas, une aide sera nécessaire. On ne peut évidemment prescrire l’acceptation du réel, mais il est possible de favoriser les conditions de l’acceptation. C’est ce à quoi l’approche adaptée d’un professionnel peut aider (psychologue, médecin, soignant…). Le minimum nécessaire pour qu’un soutien se mette en place est d’accepter l’aide, même (et surtout) si la situation nous semble définitive.
Quels traitements ?
Le soutien psychologique et/ou la psychothérapie
Il peut s’avérer indispensable pour accompagner les processus décrits dans l’article précédent. Nous avons vu que la confiance et la sécurisation permettent une exploration de l’effet produit par la perte, ce qui relance les possibles, l’élan, le désir.
La psychothérapie est réputée efficace et recommandée quel que soit le type de dépression. Elle est particulièrement favorable sur l’anxiété, la dépression, la détresse psychologique et la qualité de vie. Elle permet de traiter les différents symptômes, de diminuer le risque de rechute, ou de conduire à la rémission durable.
Elle est parfaitement suffisante en cas d’épisodes dépressifs légers.
Les traitements médicamenteux
Ils ne constituent pas selon l’OMS le traitement de première intention pour soigner une dépression légère. Mais, dans certains cas, selon l’intensité des symptômes, la capacité à supporter de se voir dans un tel état, en fonction de la présence ou non d’un entourage à la fois attentif et respectueux, selon l’existence ou non d’idées suicidaires envahissantes…, la prise en charge médicamenteuse peut également s’avérer nécessaire. Elle est recommandée en cas d’épisode dépressif majeur. Elle est quoiqu’il en soit plus efficace en étant associée à un soutien psychologique. Notons que la prescription de psychotropes émane à 80% de médecins généralistes[1].
[1]– Rapport sur le bon usage des médicaments psychotropes, Office Parlementaire d’Évaluation des Politiques de Santé (OPEPS), 2006
Sous-traitement et sur-traitement de la dépression
La dépression n’est pas une pathologie à prendre à la légère comme nous l’avons vu dans le premier article. On ne doit ni la sous évaluer, ni la surévaluer.
Selon diverses études, « seulement une personne déprimée sur cinq serait correctement prise en charge » (Santé Publique France). Les autres ne consultent jamais, refusent un traitement, ou ne sont tout simplement pas diagnostiquées. 4 personnes sur cinq ne reçoivent donc pas de traitement adapté.
Une confusion entre signes dépressifs et dépression avérée
Si de ce point de vue, la dépression apparaît sous traitée, les problématiques dépressives sont aussi « sur traitées » ou mal traitées, ce qui est très peu documenté.
Beaucoup de personnes se sont vues prescrire un anti dépresseur alors qu’elles présentaient de simples signes dépressifs (symptômes adaptés à une situation donnée) qui ont été pris et traités pour une dépression avérée (Épisode Dépressif Majeur ou EDM) alors qu’ils auraient probablement été passagers et qu’une adaptation spontanée aurait pu avoir lieu. Il existe en ce cas une confusion entre tristesse « adaptée » et dépression.
Une prescription médicamenteuse d’anti dépresseurs qui s’engage rapidement
Ainsi, la prescription d’anti dépresseurs se fait parfois très rapidement, au détriment d’une évaluation fine, c’est à dire sans réel diagnostic. Pourtant, selon la bible des psychiatres (le DSM5), les conditions pour parler de dépression avérée sont les suivantes :
« Au moins 5 des symptômes suivants ont été présents durant la même période de deux semaines et représentent un changement par rapport au fonctionnement précédent : au moins un de ces symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou de plaisir. »
Il faut donc au moins 5 Symptômes sur une liste de 9 (Cf le tableau en fin d’article) pour poser le diagnostic de dépression. Bien que primant souvent pour déclencher la prescription, la tristesse ou l’atonie ne sont donc pas les seuls critères à prendre en compte. Un certain nombre de « troubles d’adaptation avec humeur dépressive » sont ainsi traités à tort par anti dépresseurs.
Le soutien psychologique et les alternatives souvent oubliés
Si l’on prescrit facilement des anti dépresseurs, la prise médicamenteuse est trop peu souvent associée à du soutien social et à des psychothérapies. Pourtant, l’ensemble des cliniciens, en convergence avec les données de la littérature indiquent que les anti dépresseurs sont plus efficaces s’ils sont associés aux psychothérapies.
Les recommandations utiles sur des approches complémentaires telles que l’alimentation, l’activité physique « aérobie » sont souvent négligées. Les orientations vers les méthodes de relaxation, sophrologie… utiles pour limiter les idées envahissantes et l’anxiété sont trop peu évoquées par les prescripteurs.
La prise en charge de la dépression, un problème culturel
Si la dépression est particulièrement fréquente en population générale, elle n’est pas bien vue. Socialement, il n’est pas d’usage de dire que « ça ne va pas » ou qu’on est triste. Mieux vaut généralement masquer ces aspects au risque de susciter un malaise ou d’être stigmatisé. On est donc peu habitués à exprimer des états de tristesse, des humeurs maussades ou négatives, ou à y faire face. « Recouvrir » la tristesse semble plus important que de résoudre ce qui l’engendre. Finalement toute technique ou traitement qui peut permettre de gommer au plus vite les états d’âme sombres séduit majoritairement; en permettant de se conformer aux exigences sociales « d’aller bien » et de ne pas attirer l’attention négativement, l’accès facile aux traitements médicamenteux peut s’avérer tentant.
Mais, en limitant l’expression de la détresse, ces comportements réduisent la possibilité de prendre en considération ce qui sous-tend la tristesse. Ils donnent l’illusion à tous et à soi-même que tout va bien et n’engagent pas à prendre en compte les difficultés existantes.
Entendre les mouvements dépressifs : un choix
La proposition d’anti dépresseurs est donc bien inscrite dans « l’air du temps », même pour des simples troubles adaptatifs qui ne nécessitent pas cette approche.
Pourtant, cette pratique souvent systématisée qui conduit à masquer (camoufler à tout prix la tristesse, et à ne pas associer de démarche de soin complémentaire au traitement médicamenteux) se trouve souvent en conflit avec le fait d’écouter les mouvements dépressifs et de les entendre pour prendre soin de soi et transformer ce qui dysfonctionne.
La question que chaque personne concernée devrait se poser est donc de connaître son objectif : masquer la tristesse, la rendre plus supportable, s’intéresser à ce qui la suscite et en faire un guide pour devenir soi ?…
Tableau des symptômes à prendre en compte pour le diagnostic de dépression (DSM5) : 1. Humeur dépressive présente la plus grande partie de la journée, presque tous les jours, comme signalée par la personne (p. ex., se sent triste, vide, désespérée) ou observée par les autres (p. ex., pleure). (Remarque : Chez les enfants et les adolescents, peut-être une humeur irritable.) 2. Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes, ou presque toutes, les activités, la plus grande partie de la journée, presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres). 3. Perte de poids significative en l’absence de régime ou gain de poids (p. ex., changement de poids excédant 5 % en un mois), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours. (Remarque : Chez les enfants, prendre en compte l’absence de l’augmentation de poids attendue.) 4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (observable par les autres, non limités à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). 6. Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours. 7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade). 8. Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision presque tous les jours (signalée par la personne ou observée par les autres). 9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. » |